
À deux heures du départ, la pression me monte au cœur avec une intensité que j'imagine proche de l'arrêt cardiaque. Comme si je n'avais plus envie de partir. L'assurance que je portais depuis des mois se volatilise. Ici, chez mes amis qui m'ont hébergés pendant huit mois , l'harmonie régnait. J'y étais bien, j'y étais mieux et je crois qu'en moi s'affine la définition compliquée du mot « Voyageur »... Je sers Alexis et Mélissa dans mes bras et quand Alexis me propose de rester encore un jour de plus, j'eu presque envie de lui dire oui.

Allez ! Allez ! On se motive !
Je me taille ! Je me casse ! Qu'est ce qu'on fuit ? La Déshumanisation. Celle qui rend les gens stupides, les embaumes d’ignorance et les laisse mijoter dans leur misère jusqu'à la mort. Qu'est ce qu'on fuit ? La Servitude, celle qui réprime vos idées d'enfant, vos émotions naïves, maintient vos révolutions dans une cage exigüe.
Et qu'est ce qu'on cherche hein ? Qu'est ce qu'on cherche ? La beauté. Celle qui sans mots canalise votre rage, celle qui vous fait comprendre les choses sans explications. Qu'est ce qu'on cherche ? L'inconnue. Celle qui vous remet sans cesse à votre place, vous rend humble, celle qui vous fait comprendre que vous n’êtes rien d'autre qu'un globule d'eau. Et puis la Liberté putain, la Liberté...

C'est parti !
Je prend la route sur laquelle je m'étais déjà entrainé, dépasse ces foutus deux kilomètres où j'avais crevé, passe l'église médiévale, les troglodytes et m'approche de l'intimidante Loire. Le vélo tient la route et le poids, bien que supérieur à mes entraînement, est relativement bien répartit. Je roule au milieu des vignes et dis progressivement au revoir à l'ardoise et au tuffeau de ma région. J'installe mon campement pour la nuit avec une efficacité toute mécanique, résultante de plusieurs mois, (années ? Je ne saurais compter...) à dormir à la belle étoile.

Je continue jusqu’à Beaugency où l'on me conseille un réparateur de vélo. Il est fermé à cause d'un cambriolage... Un orage gigantesque attaque par les toits. Je me cache sous la bâche d'une terrasse. On ne viendra pas prendre ma commande. Une fois la ville rincée, j’enquête. Un Intersport qui ferme dans 30min. Il faut passer par la départementale pour y être à temps. Je fonce à toute allure, esquive les voitures, jette des coups d'œil à mon pédalier qui brinqueballe, perd le boulon sur la route mais réussis à le récupérer entre deux camions qui défilent. J'entre sans ménagement avec ma monture pleine d'eau et de boue et le personnel du magasin prend peur. J'explique la situation. Le réparateur me sauve et me donne deux boulons dont le pas de vis est encore bon. Il me montre l'effet que le dérèglement à causé sur mon pédalier et le sert un bon coup. Il réconforte aussi mon esprit d'analyse qui avait vu juste cette fois quand à la source du problème.
Je suis lancé, rien ne m’arrêtera maintenant. J'ai dis que j'étais parti. J'affronterai maintenant tout les obstacles avec la rage d'un conquérant et quand je reviendrai, je vous dirai si la mer Noire est vraiment noire...
