banniere CCI 2

Vous avez une forte envie de partir à vélo à la découverte du monde et de l’humanité, que ce soit en proximité ou plus loin ?
Vous voulez partager cette aventure une fois réalisée ?
La Bourse du voyage à vélo de Cyclo-camping International est faite pour vous !

DUALITÉ

IMG 20180702 WA0005

Mes jambes retrouvent la sensation qui leur manquait, celle du muscle solitaire et orgueilleux. Je les vois bien pédaler sans s’arrêter du haut de ma selle. Elles me narguent gentiment. Et lorsqu'elles semblent ralentir, c'est en réalité un stratagème pour me faire passer sans effort les montées. Pour ne pas voir que c'est épuisant. Que ce n'est qu'une balade et que rien ne sert de s’arrêter. Alors je les laisse continuer indépendamment de mon esprit. Je profite du paysage, comme assis sur la banquette d'un train. De temps en temps mes jambes me demandent d'augmenter d'une vitesse. Je leur demande : « Vous êtes sûr ? Ça va pas être trop chaud ? » et elles me répondent de ne pas m'inquiéter, qu'il va y avoir la brise que j'aime tant. Je ne cherche pas à les contrarier. Je m'adapte, je mange des fruits en attendant. Des fois je m’interroge quand le paysage défile moins vite. Je demande ce qu'il se passe à mes jambes, et elles me disent : « Tu vois là man ? C’est parce que t'es en pente. Si on force plus tu vas suer et la prochaine brise tu vas pas la kiffer ». Ha ! C'est ça ! Alors je prends le temps de sélectionner sur mon téléphone, la musique qui va m'accompagner pour la prochaine descente.

On arrive en ville, à Cham. Là mes jambes se querellent avec mon esprit. Elles se mettent volontairement en sous régime. Je sais qu'elles en profitent pour se recharger. Elles se soumettent légèrement à la tour de contrôle, qui, en ville, est encore moins focalisée sur les routes. Trop d'informations sont inutiles à mes jambes qui ne cherchent rien d'autre que planéité, champ de vision et voie claire. Elles se moquent bien des renseignements que je lui donne. Elles en rient même. Se foutent de moi. Elles me disent :
« Pourquoi se focaliser sur ce chien là bas en laisse ? C'est quoi qui va nous faire avancer là ? T'as pas finis ton ravitaillement ? Allez ! Allez ! On a des pâtes, on a du riz, on a du sucre et du café, et aussi un morceau de pain bien croustillant. C'est suffisant pour la route... On s’arrête plus loin ?
Oui je sais, mais j'ai pas de bière et ne me dis pas que tu ne l'aimes pas la bière du soir. On sait pas ce qu'il y'aura plus loin. Et puis ce chien là bas, j'essaye de voir la profondeur de son âme. J'ai peur de celui là. Il est petit et on voit qu'il serait prêt à n'importe qu'elle démesure pour signifier son autorité. Alors que pourtant vous l'écraseriez en un kick n'est-ce pas ?
C'est clair.
Ça se voit qu'il a peur. Il regarde sans cesse de tous les côtés, il tremble quand on s’approche trop près. Il est tout chétif. Pourtant je suis sûr que si j'essaye de le caresser il va me montrer les crocs.
Bah ouais c'est le chien chien à sa mémère, sinon y'a le Danube pas loin aussi.
C'est quand même fou de voir ça non ? Simuler une puissance ? Pourquoi faire ? L'extravagance d'un animal semble proportionnelle à sa faiblesse... Ça doit être une sorte de loi de la nature, n'importe comment... Pour la survie ?
J'en sais rien mais moi j'ai la patate.
Et puis la laisse, Il doit y avoir un lien...
Au fait, t'es en train de tourner en rond autour de cette vieille dame là, je m’arrête jamais tu sais.
Oups.
Là bas y'a un Lidl, vas-y prendre ta bière de clochard qu'on file de là. Y'a des trottoirs partout.
Ouais bonne idée. Au fait... Je me disais, avant de partir j'ai vu un film sur les conditions humaines des employés de ces magasins discount. Ils sont chronométrés et doivent respecter un ratio d'articles à la minute. Les directeurs recrutent des gardiens de sécurité costauds et un peu bébêtes pour fournir une pression constante et inconsciente sur le personnel. Un peu comme une patrouille de flics, qui dans les beaux jours, n'a pas d’autre but que de montrer leur présence, de rappeler à l'inconscient collectif qu'il vaut mieux faire gaffe à ses agissements. Ils sont surveillés dans les vestiaires. Je me demande si c'est vraiment bien d'aller faire ses courses là bas.
« - Fünfunddreißig Cent bitte. (35 centimes s'il vous plaît)
- Oups... heu per card ?
Allez on y va ? »
Les portes de la ville apparaissent et je sens dans mes jambes un retour électrique. A une intersection je m’arrête quand même pour vérifier la route sur mon GPS.
« - Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je regarde où on va.
- Non mais tu fais ça en chemin comme d'hab’ !
- Ici y'a trois chemins qui se séparent. Y'a trop de chance de prendre le mauvais.
- Pas comme ça quand y'a du monde autour tu sais ce qui va arriver...
- Kann ich dir helfen ? (est-ce que je peux vous aider?) »
Là mes jambes me maudissent. Je prends quand même le temps d'expliquer au monsieur la direction que je cherche et comme je ne comprends pas l’Allemand, j'acquiesce avec suspicion, trouve la route sur mon GPS en attendant.
« - Allez, c'est parti ?
- Let's go ! »
Les routes allemandes sont fantastiques comparées à celles de la république tchèque. Des pistes sans voiture, un asphalte propre et sans accroc. La signalisation est sobre et efficace. Je vois mes jambes qui moulinent avec joie. Quand elles sont comme ça, elles ne m'importunent plus. Je peux entendre le ronflement silencieux de mes muscles, trop occupés à rester en mouvement. Je suis attendri par mes jambes qui ronronnent et les laisse s'amuser ainsi.
« - On a déjà bien descendu là.
- Oui.
- Tu les sens les pistes en bord de fleuve ?
- Oui ça approche ! »
On aura toujours une complicité fraternelle entre mes jambes et mon esprit. Pour la plupart du voyage on reste tous les deux occupés à nos méditations respectives. Un peu comme deux passagers regardant l'un et l'autre de leur coté de la vitre. Il se met à pleuvoir. Mes jambes me disent :
« - C'est qu'une petite bruine de rien du tout.
- Je mets ma bâche en sac poubelle ?
- Pas la peine c'est trop fin.
- Je suis pas fan de rouler sous la pluie...
- Ça va passer.
- Hum... Ça commence à se renforcer quand même.
- T'inquiète pas.
- Vas y y'a une terrasse en plein sur la route, je m’arrête prendre un café.
- Noooooooon... »
Sirotant les dernières gorgées de mon café devenu froid, je m'organise et charge la carte pour les prochaines distances. Soudain une voix met en torpeur ma profonde solitude.
(à suivre...)

The Wild Tchèque

IMG 20180710 084235

C'est près de lacs, cagette dépliée et panneaux solaires pointés sur l'astre chaud que j'écris désormais. Le départ fut difficile, on se serait cru en nage forcée contre un siphon qui nous aspirait dans la ville. Une fois le vacarme des voitures éloigné, c'était les pistes de cailloux et de terre en pente qui nous conseillaient de retourner d'où nous venions. J'avais hâte de voir se remplacer les voitures par des arbres majestueux. Direction Ouest. Dans le but de rejoindre un parc national à la frontière et le traverser de toute son étendu le long de l'Allemagne jusqu'au sud.

IMG 20180708 191355Le premier jour fut prometteur. 75km et nous avons quitté le tourbillon de la ville. Nous dormons en forêt. Les jours suivants sont plus difficiles. Ania se met la pression dans les côtes, marche avec le vélo. Moi je dois attendre à chaque intersection car mes amis n'ont aucun moyen de géolocalisation et la route n'est pas bien indiquée. Ania se met en colère et Max va s'isoler avec elle pour discuter. Le rythme est trop dur, bien que des septuagénaires arrivent à faire le double, elle ressent trop de pression à l'idée d’être toujours la dernière et d’avoir à se faire attendre. Du coup, je pédale, seul, je tiens la chandelle et fais le guide en attendant aux carrefours ensoleillés. La situation ne me plait pas. J'enrage intérieurement d'avoir fait tout ce chemin depuis l'Allemagne jusqu'à Prague pour rien. Sur la carte, un petit lac semble propice à la détente, alors on décide d'y séjourner un jour ou deux avant de se quitter.
On va profiter du beau ciel bleu que reflète ce petit lac du village reculé d’Olesna. Je pose mon hamac sous un arbre termine un livre de Jack London et commence Kafka. Ania fend l'air avec ses fanions violets accrochés à ses bolas et la forêt, spectatrice tout comme moi, écoute au loin l'écho de la flûte Népalaise de Max. Je suis bien loin de ma centaine de kilomètre quotidienne mais l'instant semble se porter à la contemplation et à la création. J'en profite pour m'enrichir de quelques nouveautés, sort ma ligne de pêche et met mes jambes au repos.

Je taille une cuillère dans une branche, forme la cuvette avec une braise sur laquelle je souffle fort dessus. Je passe toute la soirée à la sculpter. Je suis comme possédé et ne veux pas lâcher la cuillère tant qu’elle n'est pas devenue à mon goût. J'aime découper le bois en petites lamelles et voir l’objet se former doucement. C'est plaisant et satisfaisant. Je la casse quelques jours plus tard. Je construis une Tac-Tac ball à tendance vietnamienne. C'est un jeu dont je ne connais pas bien le nom original mais qui consiste à se faire des passes en équipes ou bien en duel sur un terrain. Elle ressemble à une balle de badminton. Je collecte les plumes des canards au bord du lac et les ligote à un bâton. Je remplis un sac plastique de végétaux, enfonce la baguette de plume dedans et l'enveloppe avec des lanières de chambres à air jusqu'à en faire une balle. L'objet est beau et s'élance merveilleusement bien dans les airs. Il sera perdu quelques jours plus tard. J'écris des sons qui sonnent ensemble, les associent à des idées, les mêlent à l'inspirations du moment. Dans ce havre de paix hors du temps, alors que moi, Max et Ania, on avait déjà oublié de se quitter, la fréquence vibratoire porte mes mots comme cela :

Sous un arbre près d'un lac, Erre l'esprit d'un vagabond.
Il se souvient de ce qu'il fuit,
Savoure l'instant un moment.

Hier c'était l'usine, conformisme et obéissance,
Refoulement du soi et comportement adapté;
Dans une masse moutonnière abreuvée de télé;
Où les faibles exposent leurs fausses puissances.

Où les êtres s'empoisonnent, rongent leurs os jusqu'à la moelle,
Inlassablement ils jugent, mentent, oublient et se querellent.
Pour qu'un jour, dans le noir, on puisse les reconnaître,
Ils finissent leurs vies à servir leurs maîtres.

Mais aujourd’hui le soleil brille,
Dans une azure qui perdure, Il n’en tient qu’à toi vagabond,
De faire en sorte que cela dure.

IMG 20180709 155724Nous quittons le lac, et continuons la route. Plus loin, après plusieurs pistes défoncées qui nous font mettre pied à terre et coupent le souffle d'Ania, on découvre, en haut d'une piste fatale, un tapis de mousse verte, moelleuse et duveteuse, suffisant pour nous accueillir tous les trois. On monte un beau feu de camp. Les étoiles arrivent, on dîne. Plus tard, allongé confortablement, on improvise un chant poétique avec Max. Dans l'obscurité, au loin, résonne un coup de fusil. Alors l'envolée lyrique se tourne vers un chasseur en lisière de récif, discutant, pour je ne sais quelle raison, à un crustacé. Le poème se perd, la fumée du feu de camp nous tourne la tête ou peut être est-ce la Terre qui tourne trop fort. Un satellite nous enregistre sur google map. On se recroqueville auprès des pierres chaudes, étirons nos muscles et rédigeons le chant de la bonne nuit. Demain nous n'irons pas plus loin, Max et Ania se disputent, je reste à l’écart. A la place nous irons cueillir des myrtilles, sculpter des pantins de bois.

IMG 20180716 185434Finalement, nous avons atteint le parc national ensemble. Je vois que sur la carte se trouve un lac perdu dans la forêt non loin de la frontière. Comme les routes et les alentours n’apportent aucune raison d'y mettre les pieds, on y va. L'endroit est splendide. C'est une petite cuvette d'eau perdue dans la cour des grands arbres. On y établit notre campement pour un moment et continuons, dans l'atmosphère privée de cette endroit isolé et enchanteur, nos créations respectives. Un jour, celui que les français n'oublieront pas, en revenant en vélo de la frontière, de l'Allemagne à notre camp en Tchèque République, on hurlait la Marseillaise. On vomissait dans la forêt notre nationalisme sur-vitaminé par une coupe du monde gagnée. Il y en avait partout sur les arbres. Une fois de retour à notre camp et la vitesse réduite à l'immobile, on pouvait ressentir l'imposante dimension de cette forêt céleste. On s'est tu. Combien même la France devait gerber sa joie dans tout les sens, il n'y avait plus de raison de crier comme des fous. Ici, il n'y ni race, ni frontière.

Plus loin, la roue libre du pédalier de Max se casse. Et là je ne peux rien faire. C'est encore un ralentissement de plus et je sens que mes jambes n'en peuvent plus de ce rythme hachuré. Mon esprit aussi ne peut plus supporter cette organisation trop sujette à la procrastination. Il faut que je m'écoute avant de refouler quelques sentiments. On peut avoir des discussions intelligentes, il suffit de trouver le bon moment. C'est Ania qui commence, et puis nous finissons, à tour de rôle, par définir nos envies respectives et profondes sur nos manières de voyager. Un charmant village Allemand nous accueille comme un seul homme avec bienveillance près de leur lac. On s'y baigne, on boit des bières et jouons aux échecs une dernière fois ensemble. L'air s'emplit des ondes positives qui émanent de nos peaux ensoleillées. Mes batteries en sont pleines. Demain je trace ma route.

IMG 20180721 072104

CHECK TCHÈQUE SHAKED PRAGUE

IMG 20180627 125933Mes amis sont allés sillonner la ville et ses bazars à vélo, en quête de sacs, paniers et autres outils de voyage et demandent en chemin « taska na kolo ? » (Sacoche de vélo). Je suis dans un appartement aménagé à l’instar de ma bicyclette : dans une brocanterie. L’ouverture de la cuisine donne sur une multitude de fenêtres fermées et l’écho fracassant d'un marteau piqueur me rappelle que je suis dans une grande ville. Une radio Tesla trône au dessus de la gazinière et des ustensiles hors d’âge éveillent mes sens quant à leurs manières d'utilisation. Les vieilles boîtes métalliques ont vécu plein d'épices​ ​et les chaises ont mesuré le poids des années. Un cheval est suspendu à l'envers au plafond. C'est le moment pour moi d'écrire à nouveau et de relater les derniers évènements qui me sont arrivés.
IMG 20180623 181307Je m'étais fourré dans une forêt tchèque où les biches furent effrayées de mon passage et où, la nuit, les lucioles valsaient autour de ma tente. Depuis mon entrée en république tchèque la route devenait de plus en plus chaotique et j'en venais à faire du Mountain Bike. J’esquivais les trous et les racines et appréhendais la route à la manière d'un break familial enfoncé dans une Gravel Road australienne : doucement et en mesurant l'impact du passage de chaque roue dans les oscillations du terrain. Je m’arrêtais en lisière de forêt et téléphonais à Max pour le prévenir de mon arrivée. Il m'envoya des ondes vibratoires si forte en positivité que je les percevais dans tout mon cœur. Ils ont les vélos, ils m'attendent.
Je reprenais la route et, pensant m’être sortie d'une section compliquée, je m'apercevais que le terrain de campagne, bien que plat, ne s’améliorait pas. Il m'arriva alors ce moment similaire à une envie de chier incontrôlable, à l'approche des toilettes familiales, après trois heures de retenue civilisée. ​Une sensation similaire aux muscles des jambes qui lâchent, à quelques mètres seulement, à la vue d'un col tant espéré​. Je traverse des lieux dit délabrés et m’enfonce dans une ville sans âme. A la gare, derrière les poireaux qui s’abreuvent de bière le dimanche matin, je prends un ticket et termine les 100 derniers kilomètres en train.

Je suis dans le wagon des bicyclettes et poussettes et constate, lorsque les portes se referment, la prestance de mon odeur corporelle. Un homme au chapeau de paille entre pour recharger son téléphone et se réjouit que la prise fonctionne. On discute.
« - You’re crazy man ? All of this by bike...
- Yes, I'm very impressed by your forests by the way.
- It's a wild country. » ​
Un ami le rejoint pour faire le guet et tirer sur la clope qu'il fume à la fenêtre. Il lui présente ma monture et ce que je fais.
« - Here it's not legal, me dit-il en montrant l’étiquette de la cigarette barrée, but if you check well it's ok. Sometimes the driver can also smoke with you and when the door open, you have 30sec. »​
Prague m'arrive par les fenêtres où j'y vois surgir quelques coupoles de cuivre vert.
« - It's big !
- No, no it’s a village.
- You are from Praha ? What should I know about tcheque republique ?
- It's a pretty liberal country, me dit-il en me posant la main sur le dos.
- Why ?
- You will see. »
IMG 20180625 152035On m’aide à sortir le vélo, je prends les escalators, sort de la foule et pénètre dans Prague en suivant la géolocalisation envoyée par Max. Je roule sur les pavés, suis la ligne de tram sans me manger le rail comme à Orléans, traverse un pont avec les automobilistes et zigzague entre les façades aux couleurs pastels. Lorsque j'arrive au coin d'une rue, j'entends résonner « Karakiki ! » et alors je cris « Karakoukou ! ». Je tente une roue avant, dépose ma monture et vois se lever d'une chaise en terrasse, un hippie mal rasé et basané, qui vient pour me sauter dans les bras. Il me présente à ses amis et me voilà, en deux temps trois mouvements, entouré de bière et envouté par de belles âmes. La Good Vibration c'est pour maintenant !

Plus tard, avec Max, on demande la localisation d'un bar privé dont le mystère nous intrigue. Les locaux rient et nous indiquent le numéro 11 de telle rue. On pénètre dans un hall grillagé où la réceptionniste semble déjà fatiguée d'avoir à répéter son éternel discours, puis pénétrons dans l'établissement sous terrain. C'est un squat où les murs sont peints et tagués selon différent style artistique ou pas. On pénètre dans un labyrinthe où la lumière tamisée laisse à chaque pièce son atmosphère privilégiée. On se laisse guider par les arômes échappés de quelques longues cigarettes, flânons dans les galeries, prenons nos bières puis nous nous installons en hauteur, dans des gradins où un gang de Roubaix a gratifié une poutre en béton armé de leur passage. On se raconte nos aventures. Un homme joue de la guitare et de l’harmonica quelques minutes sur scène.

IMG 20180628 182632Je pars en balade dans les rues de Prague et son centre historique. Autant dire que circuler à travers cette masse touristique est un défi qui met à l'épreuve la technique et le sang froid. Il faut apprécier l'architecture des toitures tout en gardant un œil sur les rails de tram pour ne pas y enfoncer ses roues. Freiner sur les pavés qui menacent ma cagette de décoller. Savoir rester en équilibre précaire face aux groupes d'humains inconscients de leur environnement, faire du sur place, donner des petits coups de pédale. Ceux là sont facilement repérable grâce aux drapeaux ou les colliers de la même couleur dont ils ont été marqués. Mais il faut être vigilant car un troupeau peut en cacher un autre. Il faut savoir se rire des humanoïdes criant dans leur langue quelque chose qui ressemble à un « C'est pas un endroit là ! » et se dire que l'on est le réceptacle bienvenu de leur frustrations inconnues.
IMG 20180630 112911

Je suis impressionné par la capacité de résilience à l'alcool qu'on les femmes Tchèques. Je vomis par conséquent toute une journée puis nous partons, avec Ania et Max, le lendemain. Une fois le palier franchi, Max dégonfle son pneu et demande à un voisin une pompe adaptée à sa valve que je ne connais pas. Les sacoches touchent les rayons, le suivi du tracé est un enfer, Ania souffre un peu et peine à nous suivre, je casse ma chaîne en plein milieu du centre. Tout ça me fait l'effet d'un départ bien pourri comme on les aime... Allez, on se tire des ces émanations artificielles. Adieu Praha !

La cabane du chasseur

IMG 20180623 075231
Il y'a des mots et des sourires qui redonnent bien plus de puissance qu'une bonne grosse barre de céréales. Aujourd'hui je quitte l'Euro vélo route pour rejoindre des amis. Je part de Regensburg et me dirige à Prague. Seulement il se met à pleuvoir. Alors je fonce à toute allure à travers champs et forêts Allemandes pour rejoindre sur ce qui, sur ma carte, semble être une cabane. L'abri, sans murs, est exposé en plein vent et ne satisfait pas mon exigence en matière d'abris. En lisière de forêt se trouve, perchée, une hutte de chasseur dont les poteaux sont montés sur des pierres. Les gouttes me rattrapent, la tempête arrive, j'y vais. Je monte l’échelle, referme la trappe et m'assois dans ce mètre cube en bois tapissé de moquette et de fenêtres. La tempête explose contre les parois puis une pluie fine tombe pendant des heures.
On sent que l'ensemble du cabanon a été finement étudié pour s'installer confortablement, boire des bières et parler à son fusil. Tandis que l'inclinaison du fauteuil et la vue proposée offre à l'esprit un état reposant de méditation. Je n'ai pas de bière mais m'installe confortablement avec un bras du Danube, la forêt et les champs pour parler. Le bruit des gouttes qui résonnent contre le bois et le vent qui maltraite les parois, me rappelle un refuge des Alpes où j'étais entouré de vaches, de sommets et de brume. Un tracteur libère au passage une brise de bouse qui ramène mes souvenirs dans des champs d'Australie. Je pense à ce ciel bleu qui m'est venu en pleine figure après ces plusieurs moments de pluie et qui, je sais, reviendra. Je repense au soleil, aux rencontres, au Rhin et aux sourires qui me sont venus depuis.

IMG 20180614 182621

J'étais chez Dominique, un adhérent de CCI et membre engagé de l'association CADRES de Mulhouse. Malgré son absence, il s'était arrangé, avec une logistique et une générosité naturelle, pour me laisser son logement en attendant que la pluie cesse. Michel, un de ses amis, sonne à la porte pour récupérer les clefs. Il m'accompagne pour partir.
Quand il était venu me chercher en vélo à la gare de Mulhouse j'avais déjà ressenti, lorsqu'il approchait, son capital sympathie. Il ressemble à Albert Einstein et lorsqu'il me fit faire une visite guidée de sa ville natale, des gens dans la rue le saluaient. Ici c'est la cigogne qui vient tout juste de mettre son petit au monde sur le toit près du Théâtre de la place principale, où se trouve le plus grand temple protestant de France et là, des œuvres peintes sur les murs par tels artistes représentant les symboles de la ville, la roue, les étoffes, et là, des infrastructures dessinées par tels architectes. Il faisait beau et l'on se promenait à travers le centre ville dynamique de Mulhouse. Comme au moyen d'un mouliné léger, on s’écoulait.
Engloutissant mon petit déjeuner composé de céréales de maïs au miel, il rigole et me dis :
« - Ça c'est l'Amérique ! Ça existait pas de mon temps haha ! et le Nutella là c'est à prohiber !
- T'inquiète Michel, je prends toujours de la sous marque sans huile de palme.
- Et le Coca-Cola ou plutôt le Caca-O-cul là
- Ça j'avoue c'est vraiment de la merde capitaliste, mais ça me donne tellement d'énergie... »
On rigole bien et on s'amuse avec toute sorte de contrepèterie. Il m’apprend des termes techniques comme Prolo qui vient de prolétariat. Bien utile pour des slogans.
Alors que l'on est sur le point de se quitter, on discute encore de deux ou trois sujets qui nous animent. On est atterré par l'offre de la Poste de demander du pognon en échange d'une discussion humaine et il me démontre par son expérience que le monde a toujours été le même. Il me dit :
« - Certaines personnes me disent que je suis pessimiste mais je leur dis non, je suis réaliste.
- Pareil, il faut pas se voiler la face comme ça. Quand tu sais localiser ce qui est bien moche dans ce monde, tu n'as plus qu'à l'esquiver et te diriger vers la beauté »
On se force à se quitter car sinon, Michel et moi, on aurait refait le monde.

IMG 20180614 111309
Plus loin, le soleil avait réussit à se débattre avec les nuages et je me souviens qu'en bord de chemin se trouvaient, tout innocemment posé, quatre cerisiers. Leurs fruits étaient bien mures et leurs robes rougissaient devant mon regard affamé. Je leur grimpais dessus en criant « Houhou Hinhin » tout en cueillant les belles cerises sucrées. Je les mangeais en pédalant et replantais, me disais-je, les arbres fruitiers en recrachant les noyaux tout le long de la piste cyclable. Comme ça les gens pourront manger des cerises en juin et y trouveront, peut-être, un avantage supplémentaire à devenir nomade.






IMG 20180615 051854
Encore plus loin c'était le Rhin, clair comme le ciel, pur et rafraichissant. Je m'y baignais le soir. Au matin, le Rhin s'abreuvait des premiers rayons roses que le soleil dégainait sur les nuages, et de son eau pure, il laissait s'échapper un soupir empourpré.
Ha ! La tempête se calme et présente une éclaircie. Je vais redescendre chercher un crayon à papier dans un sac de ma bicyclette toute trempée et remonter dans mon nid douillet. Je vais y dessiner un peu. Les nuages roulent sur les collines, pourquoi pas y dessiner un radeau ?

IMG 20180611 114137

Partir de rien pour aller n'importe où


IMG 20180505 162435


• Présentation 
FB IMG 1525526917639 270x203

   Depuis quatre ans je voyage avec une philosophie simple de recherche d’authenticité et d’épiphanie. Une émission sur France 5 « Nus et culottés » ainsi que le guide « La bible du grand voyageur » écrit par l’un de ces rêveurs fous, m’ont à l’époque donné le courage manquant pour me lancer dans de telles aventures humaines et terrestres. J’ai depuis voyagé en Italie, France, Pays-Bas, Indonésie, Malaisie en Auto-stop ; voyagé en Australie pendant deux ans (Visa Working Holliday), en véhicule motorisé et au Vietnam du sud au nord en scooter tout en délivrant des cours d’Anglais dans divers centres de bénévolat. J’ai depuis peu découvert la joie et la sérénité ineffable de la marche longue et retirée de toute civilisation.

• Partir de rien pour aller n’importe où : La sensation de liberté

   En Aout 2017, j’ai marché trois semaines dans les Alpes et mon corps transitera de l’horrible sensation de poumons enflammés tous les 50m de dénivelé à l’exquise sensation produit par les sommets franchis sans peine ni arrêt, hormis ceux contemplatifs. Je me suis dit un soir dans ma tente : « Et si je rentrais chez moi en vélo ? » J’ai filé en Auto-stop chez un ami non loin de Lyon et lui ai parlé de mon envie soudaine. Sur un site d’occasion entre particulier j’ai déniché un vélo de route à 30€ et FB IMG 1525527091009 270x202mon ami m’a fourni des planches de palette, une cagette et quelques menus outils. Je l’ai bricolé en trois après-midi. J’y ai posé mon équipement de randonnée et suis rentrer chez moi à Saumur, via la Loire à vélo, en 6 jours avec ce taco brinqueballant. Je suis impressionné par la distance que l’on peut avaler et cette liberté d’action à vélo. J’y trouve ainsi un nouveau complément à mon insatiable soif d’aventure : Le Cyclo-Voyage. 

• Le projet

   L’originalité de cette aventure tient du mode de voyage : « Avec ce que je trouve ». En effet, je veux garder ce principe qui m’est précieux et fondamental à la réussite intrinsèque de mes voyages. Cette sensation grisante d’arriver où l’on veut avec rien, avec la seule force de l’esprit et du corps selon un schéma simple, enfantin : Rêve, Réflexion, Exaltation. Qui pourrait être facilement confondu avec un autre schéma bien connu de nos contemporains : Travail, Argent, Réalisation.
Durant mon temps de repos, je récupère divers objets à l’abandon et fait d’Emmaüs mon Quartier Général du bricolage. J’améliore aussi ma connaissance technique et commence à comprendre des systèmes mécaniques du vélo dans l’optique d’en être le réparateur intégral.
Pour parfaire l’objectif de mon voyage, j’améliorerai aussi mes diverses techniques de récupération de denrées alimentaires sur la route. Ce projet, bien qu’étant conçu pour sa qualité transcendantale, serait aussi un bon entrainement pour un rêve de tour du monde en autonomie complète (Rando/Vélo) sur des chemins moins goudronnés.
 IMG 20180505 161018
• L’EuroVéloroute

   Simple et efficace, ces routes cyclables constituent un bon entrainement et l’assurance d’un voyage sans soucis majeur. Par principe, aucun itinéraire précis ne sera calculé car les données importantes à la réalisation d’un voyage réussi sont à mes yeux déjà réunies (beau temps, belle route, esprit clair et désengorgé). L’organisation sur la route, le respect d’un itinéraire journalier et l’idée de connaitre le moment et l’endroit de l’arrivée sont des éléments en contradiction avec mon projet. Cependant l’envie de rouler aux abords des côtes guidera certainement mes forces vers la Méditerrané, l’Adriatique, la mer Noire, la Baltique et/ou celle du Nord. image
En accord avec la sensation de liberté recherchée, je soulage ma pensée de grosse réflexion logistique. Je possède l'intégralité des pistes cyclables du réseau Eurovélo route en format GPX que j'importe sur mon application ViewRanger. Le panneau solaire me donne une autonomie exemplaire et me permet même d’écouter un peu de musique. La batterie externe continuellement chargée reste là par sécurité. Par habitude je suivrai le balisage du réseau et prendrai des cartes dans les offices de tourisme si nécessaire. J’ai enfin plus de propension à la traditionnelle interpellation des locaux, qui m’offre souvent des échanges rigolos.

• Ce que je veux apporter

   Une question récurrente intervient souvent après mes récits : « Mais tu n’as pas peur ? ». Alors je comprends, l’ayant ressentie au début aussi, que la peur est un mur lisse de cinquante mètre de haut. D’apparence infranchissable, beaucoup s’arrêteront, feront demi-tour et n’apercevront jamais le vert chemin derrière. J’ai peur, mais toujours qu’au début. J’en prends même avantage parfois comme un puissant moteur d’adrénaline.
J'aimerais faire de la peur un sujet de fond. De son identification en tant que source d’ignorance, jusqu'à son dépassement par la connaissance. Montrer aussi qu’il est possible de réaliser des rêves en commençant avec rien. J’aimerais aussi agrémenter mes récits de trucs et astuces de voyages appris sur la route que j’appelle, pour son effet comique, les « Techniques de clochard ». 21192347 10212356958393526 4313868983988169694 n
Je veux aussi partager mon envie de vie alternative, non consumériste et plus en accord avec la logique de la Nature et, bien sûr, partager l’euphorie des paysages qui défilent...



 
Vincent Macia

More Articles ...

Joomla SEF URLs by Artio
claire et olivier 2019

Claire et Olivier, lauréats 2019

Le projet Cyclo-Topo : traverser l’Europe du Sud au Nord, d’Athènes à Tallinn, et créer des topo guides sur cet itinéraire s’inspirant de la future EuroVelo 11.

Avec ce voyage ils ont découvert la diversité des paysages et la liberté du voyage à vélo.

vincent 2018

Vincent, lauréat 2018

Vincent va parcourir le sud de l’Europe soit 8000 km en se laissant porter par les rencontres et les imprévus.
Son expérience confirme que la lenteur du vélo, permet d’aller loin tout en privilégiant la contemplation
20210301 Drome Provencale Jeanne Lepoix

Jeanne et Xavier, lauréats 2021

La mini passagère : Le voyage d'une petite famille de Roscoff de mai à septembre 2021.
Jeanne et sa famille se proposent d’effectuer prés de 5000 km. De Roscoff à Stasbourg, ils descendront vers les Pyrénées via la Véloscénie, la Vélodyssée puis feront la traversée des Pyrénées avant de s’engager sur le Larzac , le Lubéron et remonter vers le Jura et les Vosges après avoir effectué une traversée de la Corse.
La logistique, les bivouacs, la découverte de nos provinces sont aujourd’hui autant de sujets qui animent notre petite famille... Nous suivrons, durant l’été avec attention cette belle épopée en France et en famille.

clarisse nts 20210324 193345 0

Clarisse, lauréate 2021

Une voyageuse solitaire en Amérique du Sud.
Clarisse se propose de partir en octobre pour Lima au Pérou et descendre jusqu’au Ushaïa.
L’objectif majeur de Clarisse est de démontrer que la femme peut voyager seule avec son vélo. C’est une manière pour Clarisse d’affirmer son identité féminine mais aussi un appel aux femmes qui hésitent à voyager seule.
Le défi pour Clarisse est également de se confronter à un environnement géographique exigeant. Clarisse devra puiser dans ses ressources physiques et trouver la force pour affronter certaines contrées plutôt montagneuses. 10 000 km en 6 mois, permettront à Clarisse d’aller à la rencontre des habitants, des cultures différentes et de prendre le temps de rencontrer des femmes pour échanger avec elles sur ce projet.

velowtech

Solal, Étienne et Léo, lauréats 2022

Solal, Étienne et Léo sont étudiants. Ils vont mettre à profit leurs 6 mois de césure pour faire un tour d’Europe à la rencontre des initiatives low-tech. Leur parcours les conduira tout d’abord dans le Sud de l’Europe avant de remonter vers les pays nordiques via l’Europe de l’Est. Durant cette pérégrination, ils iront à la rencontre de projets innovants ayant peu d’impact sur notre environnement.

La Ciorbitza

Marie et Émilie, lauréates 2022

Marie et Émilie sont passionées par les Balkans, la cuisine et le vélo.
Prendre le temps, se recentrer sur des choses essentielles comme l’alimentation tout en découvrant une région d’Europe via la culture gastronomique, tout cela au rythme du vélo et dans le partage : voilà le résumé du projet en quelques mots !
Le parcours les conduira de la Bosnie, la Serbie, le Kosovo, la Macédoine du Nord avant de poursuivre vers la Roumanie et la Bulgarie pour une durée d’environ 2 mois.

Ploueran2

Isabel, lauréate 2022


Isabel pour son projet, rouler en bande dessinée. Forte d’une première aventure en 2021 depuis son village natal Plouër aux portes de Téhéran, Isabel repart cette fois-ci avec pour objectif les routes du Pamir. Elle retracera son aventure à travers une bande dessinée inspirée de son histoire saupoudrée d’un brin humoristique.
Chaque semaine, elle aura pour objectif de produire une mini-bande dessinée pour partager son voyage via différents supports. Quoi de mieux que de découvrir avec le sourire les aventures d’une cyclocampeuse en direction du Pamir ?